À propos

L’escoubette est le petit balai, ordinairement constitué de bruyère, qui servait aux fileuses de soie à remuer les cocons dans un bain d’eau chaude avant leur dévidage. C’est sous ce nom qu’en 2018, sur la base d’un intérêt commun pour l’histoire sociale, nous avons formé un groupe à Saint-Jean-du-Gard afin de mener dans la région des recherches sur ce thème.

Notre point de départ a été l’article de Daniel Travier sur la filature La Prolétarienne, paru dans L’Almanach du Val Borgne de 1997. Cette histoire d’une entreprise créée par la population villageoise de L’Estréchure en 1910, sur fond de conflits sociaux et de drames humains, avait éveillé notre intérêt et le désir d’en savoir plus sur le contexte de l’événement, ses différents acteurs et particulièrement ses actrices, les fileuses. Daniel Travier ayant travaillé essentiellement à partir de témoignages oraux recueillis dans les années 1960, nous avons pour notre part entrepris d’explorer les archives administratives et les journaux de l’époque, menant notre recherche à la mairie et au temple de L’Estréchure, aux archives départementales du Gard et, pour quelques documents, aux Archives nationales et à la Bibliothèque nationale de France. Nous avons complété nos informations auprès des habitants ou anciens habitants du village, dont les témoignages, voire certains documents anciens soigneusement conservés, nous ont été précieux.

La tâche était néanmoins délicate, d’une part parce que plus d’un siècle a passé, que les témoins directs, souvent même leurs enfants, ont désormais disparu, et que les événements n’éveillent plus qu’un écho très faible dans les mémoires. En second lieu, s’intéresser aux femmes des classes populaires s’est avéré doublement malaisé : les « gens de peu » sont aussi ceux qui laissent le moins de traces de leur existence ; quant aux femmes, encore placées à l’époque sous l’autorité du chef de famille, elles tendent à disparaître, dans les documents administratifs, derrière le nom de leur mari, ce qui contribue à gommer leur rôle économique et social.

La récolte a malgré tout été abondante, plus encore que nous ne l’espérions, surtout grâce aux journaux régionaux, qui donnaient alors les plus infimes détails de la vie locale et laissaient parfois s’exprimer les conflits personnels de façon assez crue. Progressivement a commencé de se dessiner un contexte religieux, social et politique complexe, qui seul permettait de comprendre « l’affaire de la Prolétarienne » et qu’il importait de saisir dans ses nuances et ses spécificités. Il nous a paru nécessaire, vu l’ampleur de la tâche, de publier le résultat de nos recherches sous la forme de trois ou quatre brochures successives, qui suivraient les grandes étapes du récit.